Le podcast- 15 – Totems et Doudous
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Bon ok, on est pas très réguliers ces derniers temps, mais à l’occasion de la sortie de Star Wars 7, on a décidé de ressortir les micros du grenier et de nous intéresser à la nostalgie qui envahit nos salles, pour le meilleur et pour le pire.
Pour ce podcast, nous accueillons une belle brochette de réguliers avec Aurélien Noyer qui nous parle depuis Norwich, Matthieu Galley basé sur Paris, Lucas Mario qui assure la permanence de Cinéphylis à Nice et enfin Julien Pavageau qui anime tout ce bordel aux alentours de Nantes.
Retour vers le passé
Le 21 octobre 2015, Marty McFly arrive dans le futur. Ce fut aussi le jour de la grande bataille de deux mondes qui, jusque là, prenaient soin de s’ignorer. L’objet du litige : la critique assassine de Retour vers le Futur par Louis Skorecki en 1985 :
Ressorti des archives et partagé par les geekosphère française, l’article fut autant un sujet d’indignation que de moquerie. Face à une telle impudence de la plèbe, la réaction des critiques ne se fit pas attendre. Après un contrefeu allumé par Libération eux-même pour tenter d’expliquer que Skorecki ne disait pas que des conneries, c’est Emmanuel Burdeau qui prend sur lui de mener l’assaut sur Facebook et de rappeler à la populace débraillée que Skorecki est un grand inventeur critique… la meute serait donc mieux inspirée de la fermer et de rentrer dans ses chaumières. Sans grande surprise, le post de Burdeau sera largement liké par la partie de la critique qui se sent héritière du travail de Skorecki.
Totems et doudous
Parmi les différents commentaires sur ce statut Facebook, on retiendra celui du compte des Editions Le Feu Sacré qui disait ceci :
« Pour la plupart des geeks, ‘Star Wars’, ‘Retour vers le futur’ ou encore ‘Les Goonies’ ce n’est pas du cinéma, ce sont des ‘films-doudous’, qu’on garde auprès de soi, pour se rassurer, en se remémorant le bon vieux temps des années 80. Et vous savez ce qui se passe quand on enlève à l’enfant son doudou… Skorecki et la critique de cinéma n’a rien à voir dans cette affaire. Je pousserais même le vice jusqu’à dire que le cinéma n’a rien à y faire. Le carburant à l’œuvre ici c’est la nostalgie, une nostalgie dévorante, jalouse, exclusive, qui ne supporte pas la contradiction. Prendre le temps de réfléchir ne serais-ce que 30 secondes sur les objections de Skorecki ? Vous n’y pensez pas. »
Voilà pour le commentaire… Bon maintenant essayons d’en inverser la perspective :
« Pour la plupart des critiques, Skorecki, Daney ou Frodon, ce n’est pas de la critique, c’est des totems, qu’on garde au milieu du village, pour se rassurer, en se remémorant le bon vieux temps de l’autorité critique. Et vous savez ce qui se passe quand on enlève à la tribu son totem… Retour vers le Futur et la critique de Skorecki n’ont rien à voir dans cette affaire. Je pousserais même le vice jusqu’à dire que le cinéma n’a rien à y faire. Le carburant à l’oeuvre ici c’est la domination, une domination dévorante, jalouse, exclusive, qui ne supporte pas la contestation. Prendre le temps de réflechir ne serait-ce que 30 secondes sur les objections à Skorecki ? Vous n’y pensez pas. »
Et de fait, Burdeau n’y pense pas. Tout au plus, renvoit-il les sceptiques au long texte de Skorecki, Contre la nouvelle cinéphilie, apparemment preuve suffisant du génie du critique.
Sur cette conclusion, chaque camp se retira. La geekosphère reparti s’esbaudir devant un nouveau trailer Star Wars et la critique remonta dans sa tour d’ivoire. Chacun étant persuadé d’avoir gagner sa bataille. Malheureusement, la geekosphère avait raté l’occasion de répondre à l’article de Skorecki par un travail analytique, argumenté et étayé sur Retour vers le Futur. Et la critique avait raté l’occasion d’expliquer le travail de Skorecki, d’en présenter les présupposés, les forces et les limites théoriques, idéologiques, esthétiques. Mais ça aurait supposer que l’histoire soit affaire de cinéma. Or ce n’était qu’une histoire de totem et de doudou.
Pour résumer : on a là deux manifestations de la nostalgie, une nostalgie sentimentale, face à une nostalgie intellectuelle, une nostalgie de la domination face à une nostalgie de l’émotion. Évidemment, si on en fait le sujet de notre podcast c’est parce que la nostalgie ne se limite pas à Retour vers le futur, Facebook ou la critique d’une autre époque, elle est omniprésente dans nos salles de ciné et les spectateurs ne se projettent plus dans l’avenir, mais sont résolument tourné vers le passé.
De nostalgie, il en est également beaucoup question dans l’épisode du Ciné-club de M. Bobine consacré à Star Wars : le Réveil de la Force. Nous nous intéressons également à la question épineuse de la crise de la critique française ainsi que des considérations morales au cinéma dans nos podcasts !